Titre

Recommander l’Utopie ? Construction d’une coopération intergouvernementale par le Bureau International d’Éducation au 20e siècle.

Auteur Émeline BRYLINSKI
Directeur /trice Rita Hofstetter
Co-directeur(s) /trice(s)
Résumé de la thèse

Créé en 1925 à Genève, le Bureau international d'Éducation (BIE) devient dès 1929 une organisation intergouvernementale ancrée dans le sillage de l'effervescence des institutions internationales pendant l'Entre-deux-guerres. Au cœur de ce Bureau s’expérimente et se formalise une coopération intergouvernementale axée sur les questions éducatives, avec pour objectif d’asseoir la paix dans le monde. Les acteurs et actrices impliqués dans ce projet défendent l’idée selon laquelle c’est en pratiquant des formes de collaborations internationales, préservées d’enjeux politiques, qu’en découleront des attitudes pacifistes, la compréhension entre les peuples, et donc logiquement, la paix. Recommander l’utopie, peut-être est-ce une manière de résumer ces efforts incessants portés par nombre d’acteurs et d’actrices gouvernementaux impliqués au BIE : ces derniers sont engagés à concevoir un monde qui n’existe pas encore. Dès lors se construit une vision universelle portée par le Bureau se retenant d’être unique et encore moins imposée. Mais il y a là une certaine tension : cette utopie qui se crée collectivement se forme dans un espace-temps circonscrit par un groupe restreint de protagonistes chargés de représenter des gouvernements. Recommander, certes, mais par qui et comment ? Qui sont les acteurs et les actrices de cette cause portée à l’échelle dite « intergouvernementale » ? Comment parviennent-ils à définir et à promouvoir leur(s) utopie(s) éducative(s) en se préservant de tout enjeu politique extérieur et des rapports de pouvoirs préexistants dans les relations interétatiques ? Comment le BIE formule, expérimente, et institutionnalise son projet intergouvernemental jusqu’à obtenir la reconnaissance tant escomptée de l’Unesco lors de sa création (1946) ? Avec quelles stratégies et à quels risques ? Cette thèse s'articule en trois axes et s'inscrit dans une double temporalité : à la fois dès l’adoption des statuts intergouvernementaux (1929) jusqu’à son rattachement officiel à l’Unesco en 1952 (et parfois jusqu’en 1958 pour les besoins de l’étude), mais aussi dans celle de l'internationalisme éducatif. La première partie explore les conditions des diverses (re)configurations entreprises par les acteurs du BIE et leurs conséquences sur les modalités de participation des États dans ce projet de coopération intergouvernementale. La seconde retrace la participation et l'implication, mais aussi les silences des gouvernements et de leurs représentants au sein des activités phares du BIE. La troisième partie se concentre sur une des causes qui guide leurs travaux afin de déterminer comment les parties prenantes de la coopération intergouvernementale au BIE contribuent à la définition d’une éducation pacifique.

Cette recherche s'inscrit dans le courant de l'histoire transnationale et privilégie une approche à la fois quantitative (faisant emprunt aux techniques d'analyse de réseaux et de prosopographie) et qualitative (analyses de discours et de correspondances personnelles). L'analyse de réseaux se révèle pertinente pour cartographier les géographies à l'œuvre, voire de distinguer les stratégies employées par les États et leurs représentant·es pour diffuser leurs idées mais aussi pour taire certaines propositions. De fait, l'attention portée sur les interactions entre le BIE et les représentants d’État, et entre ces derniers, permet d'étudier comment se construit l’intergouvernementalisme éducatif, et d’identifier comment les parties prenantes de la coopération intergouvernementale se saisissent et définissent l’éducation pacifique.

 

 

Dans le prolongement des travaux précurseurs de l’Équipe de Recherche en Histoire Sociale de l’Éducation (Erhise) sur l’internationalisme éducatif, ce travail de thèse s’inscrit dans le cadre d’une recherche financée par le Fond National Suisse pour la Recherche Scientifique (FNS) qui s’intitule « Le Bureau International d’Éducation (BIE) : un laboratoire de l’internationalisme éducatif (1919-1952) » (Hofstetter & Droux, 2016). Dirigée par Rita Hofstetter avec la collaboration de Joelle Droux, cette recherche 2016-2021 est concrétisée par les membres d’Erhise et des Archives de l’Institut Jean Jacque Rousseau (AIJJR), en interaction avec des équipes internationales. Celle-ci donne lieu à trois thèses à cette étape de nos travaux, celle de Cécile Boss, celle-ci, ainsi que la thèse de Clarice Loureiro entamée ultérieurement. Dans ce cadre, nous avons également publié un livre collectif dont le titre est « Le Bureau international d'éducation, matrice de l'internationalisme éducatif » (Hofstetter & Erhise, 2021).

www.peterlang.com/document/1114406

 

Mots-clés : Bureau International d’Éducation (BIE) ; Unesco ; coopération intergouvernementale ; organisation internationale ; intergouvernementalisme éducatif ; politisation ; éducation pacifique ; circulation des idées ; analyse de réseaux ; histoire transnationale.

 

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SUMMARY

Created in 1925 in Geneva, the International Bureau of Education (IBE) became in 1929 an intergovernmental organization anchored in the wake of the effervescence of international institutions during the interwar period. This office experimented and formalized forms of intergovernmental cooperation focused on educational issues, with the aim of establishing peace in the world. The actors and actresses involved in this project defend the idea that it is by practicing forms of international collaboration, preserved from political stakes, that pacifist attitudes —such as understanding between peoples— will result, and therefore logically, peace. Recommending utopia is perhaps a way of summing up these incessant efforts made by many governmental actors involved in the BIE: they are committed to designing a world that does not yet exist. Thenceforth, a universal vision carried by the Bureau was built, which refrained from being unique and even less imposed. Yet, here is a tension: this utopia which is created collectively takes shape in a space-time circumscribed by a restricted group of protagonists responsible for representing governments. Recommending, but by whom and how? Who are the actors and actresses of this cause brought to the so-called “intergovernmental” scale? How do they manage to define and promote their educational utopia(s) while preserving themselves from any external political stakes and pre-existing power relations in interstate relations? How did the IBE formulate, experiment, and institutionalize its intergovernmental project in order to constitute a legacy recognized by UNESCO when it was created (1946)? With what strategies and at what risks? The thesis is articulated in three axes and is part of a double temporality: from the adoption of the intergovernmental statutes (1929) to its official partnership with UNESCO in 1952 (sometimes up to 1958), but also in that of educational internationalism. The first part explores the conditions of the various (re)configurations undertaken by the actors of the IBE and their consequences on States’ modalities of participation in this intergovernmental cooperation project. The second traces the involvement, but also the silences of governments and their representatives as they participate (or not) to IBE’s activities. The third part focuses on one of the causes that guides their work in order to determine how stakeholders of intergovernmental cooperation at the IBE contribute to the definition of peace education.

This research is framed into transnational history theories and favors an approach that is both quantitative (borrowing from the techniques of network analysis and prosopography) and qualitative (discourse and personal correspondence analyses). Network analysis makes it possible to map geographies at work, or even to distinguish the strategies used by States and their representatives to disseminate their ideas but also to silence certain proposals. The focus on interactions between the IBE and State’s delegates, and among the latters, provide ways to study how educational intergovernmentalism is being constructed, and to identify how stakeholders of intergovernmental cooperation seized and defined peace education.

 

Keywords: International Bureau of Education (IBE); Unesco; intergovernmental cooperation; international organization ; intergovernmentalism; politization ; peace education; circulation of ideas; network analysis; transnational history.

 

Statut à la fin
Délai administratif de soutenance de thèse 2023
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